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Ago quitte Fushë Kosovë pour le centre de la capitale, Pristina. A 7/8 Km de là il se retrouve déjà dans un environnement qui contraste avec cette banlieue.
Une grande avenue piétonne, dédiée à Mère Teresa, née il y a plus de 100 ans à Tirana et devenue une « icone nationale » albanaise.
Mais avec ses cafés à l’apparence luxurieuse, ses magasins «occidentaux», comme le nouvel immeuble complètement occupé par Benetton qui affiche des prix, eux aussi, « occidentaux », ses fasts food à la nourriture « nord-américaine » et une foule qui déambule à longueur de la journée, on est vraiment loin de l’esprit de la Sainte.
Une apparence de bien-être mais… c’est seulement une apparence. Comme le confirme Amir, 35 ans, ingénieur.
Des dizaines, des centaines de jeunes restent assis toute la journée aux terrasses pour moins d’ 1€ le café, en bavardant, en regardant les passants, notamment les filles habillées très souvent d’une façon «provocatrice». Ils tuent le temps et les journées interminables grâces aux économies (qui vont bientôt disparaître) de leurs parents. Au Kosovo, le taux de chômage chez les jeunes atteint plus de 70%. Celui de la population active atteint 50%.
« Les jeunes Kosovars âgés de 15 à 25 ans ont peu de chance de trouver un travail leur assurant des moyens d’existence suffisants.
Ici il ne s’agit pas seulement de la minorité ashkali, egyptienne et roms, bien qu’ils souffrent de surcroît d’une forte discrimination due à leur illettrisme et à leur position en faveur de la communauté serbe pendant la guerre. Tout le Kosovo, albanais et serbes inclus, sont touchés » exclame Amir.
« Aucun plan de développement valide qui ne favorise la création d’emplois dans les projets du gouvernement. Ainsi une des principales ressources de survie reste l’argent envoyé par la diaspora, surtout depuis l’ Allemagne. Et vu la forte crise qui touche tous les pays de l’UE, les années à venir vont être encore plus dures et l’envie de partir ailleurs encore plus forte”.
Cela faisait 15 ans qu’Ago n’était pas retourné à Pristina, et les choses ont bien changées. La route de Pristina à Fushë Kosovë autrefois bordée de champs et de vieilles maisons en ruines traverse maintenant une banlieue constituée de grands bâtiments et de concessionnaires en tout genre. A croire que le pays s’est développé.
Mais ces changements ne sont qu’apparence.
Les investissements soutenant des productions locales manquent, et l’origine des capitaux injectés n’est pas toujours très claire. Certains pensent que cela vient de maffias, d’affaires sales, ou de la diaspora Kosovar mais une chose est sûre: pour les jeunes il n’y a qu’une solution, celle de partir à l’étranger.
Il est vrai que si l’on s’intéresse de près aux minorités, notamment aux Ashkali, la situation est catastrophique. Entre le chômage, la marginalisation, le désespoir, les familles vivotent grâce à quelques boulots quotidiens tels que la récolte de plastiques. Les gens sont souriants mais restent méfiants. Craignent-ils des représailles ou est-ce simplement le signe d’une fatigue et d’une désillusion destinée à perdurer ?